

Le mot de la rédaction, publié le 02/11/2025
Les ors scintillent sur les retables, la lumière caresse les visages peints il y a six siècles. Dans l'aile nouvelle du Palais Royal de Turin, la Galleria Sabauda déploie ses salles en un labyrinthe fascinant où dialoguent les maîtres flamands et les génies piémontais. Plus de 700 œuvres racontent l'histoire d'une dynastie qui a fait de la collection d'art un instrument de pouvoir et de prestige.
Le 2 octobre 1832, jour de son anniversaire, le roi Charles-Albert de Savoie inaugurait sa galerie royale au Palazzo Madama avec 365 tableaux soigneusement sélectionnés. Ce chiffre symbolique marquait l'aboutissement de siècles d'acquisitions par la Maison de Savoie. Les collections du Palais Royal de Turin, du Palais Carignano et du Palais des Doges de Gênes fusionnaient pour créer l'une des plus importantes pinacothèques d'Italie.
La galerie a changé plusieurs fois d'écrin avant de s'installer en 2014 dans sa demeure actuelle. Cette dernière rénovation a permis une muséographie brillante qui guide le visiteur à travers six siècles de peinture européenne, du Moyen Âge au XXe siècle, dans un parcours chronologique réparti sur trois étages.
Le rez-de-chaussée réserve d'emblée des émotions fortes. Quatre monuments de l'art européen accueillent les visiteurs : Les Stigmates de Saint François de Jan van Eyck, l'une des rares œuvres de ce maître flamand conservées dans les musées italiens, dialogue avec une Vierge à l'Enfant de Fra Angelico. La Passion du Christ de Hans Memling et Trois Archanges de Filippino Lippi complètent ce face-à-face extraordinaire entre l'Italie et les Flandres du XVe siècle.
Les salles suivantes célèbrent l'école piémontaise du XIVe au XVIe siècle. Giovanni Martino Spanzotti, Defendente Ferrari, Gaudenzio Ferrari et Gerolamo Giovenone révèlent la richesse créative de cette région trop souvent éclipsée par Florence ou Venise.
L'escalier d'honneur et les ascenseurs panoramiques conduisent au premier étage où le XVIe siècle déploie ses splendeurs. Le corridor nord expose les joyaux flamands et hollandais : le Portrait de vieillard de Rembrandt capte la lumière avec une intensité troublante, tandis que La Visitation de Rogier van der Weyden démontre la finesse psychologique de l'art flamand.
Les maîtres italiens répondent avec éclat : Botticelli, Véronèse, Tintoret et Tiepolo témoignent de la diversité des écoles vénitiennes et toscanes. Les portraits des ducs de Savoie ponctuent le parcours, rappelant que cette collection reste profondément liée à l'histoire d'une dynastie.
Le troisième étage abrite les œuvres léguées en 1929 par Riccardo Gualino, industriel et mécène piémontais. Cette collection bourgeoise offre un contrepoint fascinant aux goûts aristocratiques. Les retables de Duccio di Buoninsegna côtoient des Véronèse, tandis que la célèbre Vénus de Botticelli rayonne dans une salle dédiée.
Le conseil d'ami : le billet combiné des Musées Royaux à 15 euros permet d'accéder également au Palais Royal, à l'Armurerie Royale et au Musée d'Antiquités. Commencez par la Galleria Sabauda en matinée quand la lumière naturelle sublime les tableaux, puis explorez le reste du complexe palatial. Les cartels sont bilingues italien-anglais, facilitant la compréhension des œuvres.
La brillante organisation chronologique permet de suivre l'évolution des styles artistiques sans confusion. Chaque salle possède son identité thématique, créant des dialogues entre les œuvres plutôt qu'une simple juxtaposition. Les sculptures et bustes ponctuent le parcours, offrant des respirations entre les toiles.
La concentration exceptionnelle d'œuvres majeures dans un espace relativement intime distingue la Galleria Sabauda des grands musées saturés de touristes. Ici, on peut contempler un Van Eyck ou un Rembrandt dans un calme propice à l'émotion esthétique.
*Informations sujettes à variation