


Le mot de la rédaction, publié le 05/11/2025
Une façade de marbre blanc immaculé tranche avec l'ocre des édifices turinois. Trois portails Renaissance vous accueillent dans l'unique témoignage architectural de cette époque à Turin. Mais ce n'est pas l'élégance de ses lignes qui attire des millions de visiteurs chaque année. C'est ce qui se cache derrière le maître-autel : une relique qui fascine autant qu'elle divise, le Saint Suaire.
Construite entre 1491 et 1498 sur l'emplacement d'un ancien théâtre romain et de trois églises paléochrétiennes, cette cathédrale raconte mille ans d'histoire turinoise. Elle est dédiée à saint Jean-Baptiste, patron de la ville, et reste indissociable de la dynastie des Savoie qui en fit un écrin royal.
L'édifice présente un plan en croix latine avec trois nefs et des éléments décoratifs gothiques. Le campanile en briques rouges, achevé dès 1469 avant même la cathédrale, fut rehaussé en 1720 par l'architecte Filippo Juvarra. Mais c'est au XVIIe siècle que la cathédrale connaît sa transformation la plus spectaculaire : l'ajout de la chapelle du Saint-Suaire par Guarino Guarini.
Entre 1668 et 1694, Guarini imagine un espace qui défie les lois de la physique. La chapelle s'insère entre la cathédrale et le Palais Royal, accessible par deux escaliers symétriques qui plongent dans une pénombre de marbre noir. Chaque marche vous éloigne du monde terrestre.
Puis, brusquement, la lumière. Le dôme de Guarini s'élève comme un tunnel vers le paradis : des arcs entrelacés créent une dentelle de pierre et de lumière, symbolisant l'ascension de la terre vers le ciel, de la mort vers la résurrection. Un sol parsemé d'étoiles de bronze guide votre regard vers cette coupole vertigineuse qui ne ressemble à aucune autre construction baroque.
Un incendie dévastateur ravagea la chapelle dans la nuit du 11 au 12 avril 1997. Après vingt ans de travaux minutieux, elle rouvrit au public en septembre 2018. Aujourd'hui restaurée, elle retrouve son pouvoir d'émerveillement intact.
Le linceul de 4,3 mètres de long sur 1,1 mètre de large porterait l'empreinte du corps du Christ. Transféré à Turin en 1578, il ne sort de sa châsse blindée que lors d'ostensions exceptionnelles décidées par décret papal. La prochaine exposition publique est prévue pour 2025.
Entre-temps, une réplique photographique grandeur nature est visible près de l'entrée de la cathédrale. Le négatif photographique révèle plus clairement les contours du visage et du corps imprimés sur le tissu. Dans les galeries souterraines accessibles depuis l'intérieur de l'église, une exposition permanente présente l'histoire du suaire, les analyses scientifiques réalisées et les controverses qui l'entourent.
Pour approfondir votre compréhension, le Museo della Sindone se trouve à quelques rues de la cathédrale. Il propose une approche historique et scientifique détaillée de cette relique controversée, avec des explications sur les tests au carbone 14, les analyses textiles et les débats théologiques.
Au-delà du suaire, la cathédrale recèle des œuvres remarquables. Dans la deuxième chapelle à droite, admirez le polyptyque des saints Crépin et Crépinien réalisé par Giovanni Martino Spanzotti et Defendente Ferrari entre 1498 et 1504. La sixième chapelle arbore une grande icône de saint Jean-Baptiste peinte par Morgari en 1862.
Les chapelles latérales, offertes par les nobles familles turinoises, présentent chacune leur caractère unique. Certaines sont ornées de stucs du XVIIe siècle, d'autres de marbres polychromes. La tribune royale, conçue par Francesco Valeriano Dellala di Beinasco en 1775, accueille le Saint Suaire lors des grandes expositions.
La cathédrale abrite également les tombeaux de nombreux membres de la maison de Savoie. C'est ici que repose le bienheureux Pier Giorgio Frassati, jeune Turinois béatifié en 1990 par Jean-Paul II, surnommé le "saint de la jeunesse du troisième millénaire".
Le conseil d'ami : visitez la cathédrale en fin d'après-midi vers 17h, quand la lumière dorée traverse les vitraux et illumine les marbres. L'accès à la chapelle du Saint-Suaire se fait désormais uniquement via le circuit du Palais Royal (billet séparé requis). Si vous ne visitez que la cathédrale, l'entrée est gratuite. Habillez-vous correctement : épaules et genoux couverts sont exigés.
*Informations sujettes à variation