


Le mot de la rédaction, mis à jour le 26/11/2025
Perché sur son éperon rocheux, le Palais des Papes dresse ses quinze mille mètres carrés de pierre blonde comme un défi lancé à l'éternité. Entre 1335 et 1352, deux papes bâtisseurs ont fait surgir du sol provençal le plus vaste ensemble palatial gothique jamais conçu, équivalent à quatre cathédrales. Neuf souverains pontifes y ont régné sur la chrétienté occidentale, loin des troubles romains, transformant une cité du Rhône en capitale spirituelle de l'Occident.
Ce palais n'est pas un simple monument. C'est le témoignage architectural d'une période où la papauté choisit d'abandonner Rome pour s'établir en terre provençale. De 1309 à 1377, Avignon devint le centre névralgique du pouvoir spirituel et temporel de l'Église catholique. La construction titanesque s'articule en deux ensembles distincts : le Palais Vieux, austère et fortifié sous Benoît XII, puis le Palais Neuf, fastueux et sculpté sous Clément VI.
Classé au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1995, le monument abrite vingt-cinq salles ouvertes au public. Chaque visiteur reçoit gratuitement un HistoPad, tablette numérique révolutionnaire en sept langues qui reconstitue par réalité augmentée la splendeur du XIVe siècle. Les voûtes dénudées reprennent vie, les tapisseries bleues parsemées d'étoiles d'or retrouvent les plafonds, les murs nus se parent de fresques éclatantes.
Cette salle colossale de quarante-huit mètres de long accueillait les banquets pontificaux et les conclaves qui élisaient les nouveaux papes. Au XIVe siècle, son plafond lambrissé disparaissait sous une étoffe bleue constellée d'étoiles dorées symbolisant la voûte céleste. Les cuisines attenantes pouvaient servir jusqu'à mille convives. On raconte que les menus comprenaient paon rôti, héron en sauce et cochon de lait farci.
Avec ses cinquante-deux mètres de long, quinze de large et vingt mètres sous voûtes, cette chapelle défie l'entendement. Clément VI voulait impressionner par la démesure. Les croisées d'ogives s'élancent dans un vertige gothique. Aujourd'hui, la Cour d'honneur du Palais accueille chaque juillet les représentations les plus prestigieuses du Festival d'Avignon, perpétuant la tradition culturelle amorcée par les papes mécènes.
Au cœur de la Tour du Pape haute de quarante-six mètres, les appartements privés révèlent une intimité insoupçonnée. La Chambre du Cerf éblouit par ses fresques profanes peintes par Matteo Giovannetti entre 1343 et 1348 : scènes de chasse, de pêche et de cueillette dans des paysages forestiers d'une fraîcheur étonnante. Sur les murs de la Chambre du Pape, un cerf inquiet observe le souverain pontife depuis son cabinet d'études, symbole de vigilance spirituelle.
Les chapelles Saint-Martial et Saint-Jean abritent les joyaux picturaux du palais. Giovannetti y a déployé entre 1344 et 1348 des cycles de fresques inestimables racontant la vie des saints. Les scènes sont légendées et ordonnées alphabétiquement, témoignage de l'érudition médiévale. Ces salles peintes sont d'ailleurs les seules où la photographie reste interdite pour préserver les pigments centenaires.
Le conseil d'ami : arrivez dès l'ouverture à 9h en haute saison pour profiter des salles encore silencieuses. Les terrasses panoramiques au sommet offrent une vue sublime sur Avignon, le Rhône et le Mont Ventoux. Comptez deux bonnes heures pour la visite complète, davantage si l'exposition Othoniel Cosmos vous tente.
Récemment réaménagés, les jardins du Palais se déclinent en trois espaces distincts accessibles par la cour Maria Casarès. Le verger Urbain V, jardin public depuis 1927, propose une aire de jeux jalonnée de sculptures d'animaux. Le jardin du Palais cultive les essences méditerranéennes présentes au XIVe siècle : romarin, lavande, figuiers, oliviers. Le jardin du Pape, plus intime, abrite la fontaine du griffon et une pergola monumentale.
Ces jardins ferment trente minutes avant le monument. Ils sont gratuits tous les jours pour les Avignonnais sur présentation d'un justificatif. Parfaits pour une pause ombragée après l'ascension des cinq cents marches que compte le parcours intérieur du palais.
*Informations sujettes à variation