
Le mot de la rédaction, publié le 27/10/2025
Les murs épais de cette forteresse de pierre portent encore les cicatrices des balles tirées le 28 septembre 1810. Ce jour-là, dans ce qui n'était qu'un simple grenier à grains, l'histoire du Mexique bascula. Aujourd'hui, le Musée régional de Guanajuato occupe ce symbole architectural de la lutte pour l'indépendance, offrant aux visiteurs bien plus qu'une simple leçon d'histoire : une immersion dans les moments fondateurs d'une nation.
Construite entre 1797 et 1809 pour stocker le maïs et le blé, cette imposante Alhóndiga de Granaditas témoigne de la prospérité de Guanajuato à la fin du XVIIIe siècle. Son architecture néoclassique sobre mais monumentale cache une fonction bien plus sinistre : en septembre 1810, les forces royalistes espagnoles s'y réfugient avec 300 soldats face aux 20 000 insurgés menés par Miguel Hidalgo.
C'est alors qu'un mineur local surnommé El Pípila entre dans la légende. Protégeant son dos avec une dalle de pierre, il rampe jusqu'à la porte principale sous une pluie de balles et y met le feu. Les insurgés déferlent dans le bâtiment : la première victoire majeure de l'indépendance vient d'être remportée, au prix de centaines de vies. En représailles, les têtes décapitées de Hidalgo et de ses compagnons seront exposées pendant dix ans aux quatre coins du bâtiment, macabre avertissement aux futurs révolutionnaires.
Levez les yeux en montant les escaliers : vous découvrirez l'œuvre majeure qui transforme ce musée en sanctuaire artistique. Entre 1955 et 1966, le peintre guanajuatense José Chávez Morado consacre douze ans à couvrir les cages d'escalier de fresques monumentales. Financées en partie par 250 000 écoliers mexicains donnant vingt centimes chacun, ces peintures murales racontent l'épopée de Guanajuato depuis l'époque coloniale jusqu'à la République.
La fresque intitulée Abolición de la Esclavitud dépeint Hidalgo libérant les esclaves, tandis que Canto a Guanajuato célèbre la richesse culturelle de l'État. Les couleurs vibrantes et les compositions dynamiques transforment chaque montée d'étage en traversée de plusieurs siècles. Prenez votre temps : ces muraux méritent qu'on s'y arrête longuement.
Le conseil d'ami : visitez le musée en semaine, idéalement le mardi ou mercredi matin vers 10h30. Vous aurez les escaliers presque pour vous seul et pourrez admirer les détails des muraux sans être bousculé par les groupes scolaires qui arrivent généralement vers midi.
Le musée abrite une impressionnante collection archéologique réunie pendant 25 ans par le couple d'artistes José Chávez Morado et Olga Costa. Les sceaux préhispaniques en argile et pierre, représentant plantes, animaux et êtres mythiques, constituent l'une des collections les plus complètes du pays. La salle consacrée à la culture de Chupícuaro (600 av. J.-C. - 250 ap. J.-C.) expose une remarquable variété de poteries : jarres, bols tripodes et vases témoignant du raffinement de cette civilisation méconnue.
Plusieurs salles retracent la période coloniale et les guerres d'indépendance à travers documents d'époque, drapeaux, pièces de monnaie et portraits des héros. Une réplique de l'étendard de Hidalgo côtoie des cartes anciennes de Guanajuato et des objets utilisés dans les mines d'argent. L'atmosphère y est solennelle, presque pieuse : ces salles sont pour les Mexicains ce que Lexington et Concord représentent pour les Américains.
Trois artistes de Guanajuato brillent particulièrement : le photographe Romualdo García dont les clichés pris entre 1887 et 1914 constituent un précieux catalogue social de la ville ; le peintre Hermenegildo Bustos et ses portraits saisissants ; et bien sûr les œuvres de Chávez Morado. Une salle dédiée à l'artisanat régional expose textiles, ferronnerie, céramiques et confiseries traditionnelles qui révèlent le savoir-faire local transmis de génération en génération.
Chaque automne, la place devant l'Alhóndiga se transforme en scène lors du Festival Internacional Cervantino. Les murs austères de la forteresse offrent alors un décor dramatique aux représentations théâtrales et musicales qui attirent des artistes du monde entier. Ce contraste entre le poids de l'histoire et la légèreté des arts rappelle que ce bâtiment n'est pas qu'un mausolée figé dans le passé, mais un espace culturel résolument tourné vers l'avenir.
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