
Le mot de la rédaction, mis à jour le 02/11/2025
Derrière le portail du 158 boulevard Haussmann se cache l'un des secrets les mieux gardés de Paris. Les marbres luisent sous la verrière du jardin d'hiver, l'escalier monumental s'élève en une double spirale défiant les lois de la pesanteur, et les fresques de Tiepolo racontent l'histoire d'un roi de France sur les murs d'une demeure de banquier.
Le Musée Jacquemart-André n'est pas un musée comme les autres : c'est un voyage dans l'intimité d'un couple passionné qui a consacré sa fortune à sa soif d'art.
Édouard André, héritier d'une fortune bancaire colossale, fait construire cet hôtel particulier entre 1868 et 1875. L'architecte Henri Parent signe une prouesse architecturale qui doit rivaliser avec l'Opéra Garnier. Mais tout bascule en 1872 lorsqu'une jeune portraitiste, Nélie Jacquemart, vient peindre son portrait.
Le mariage de 1881 unit deux collectionneurs insatiables. Pendant treize ans, le couple sillonne l'Europe, d'Italie en Angleterre, rapportant tableaux, sculptures et mobilier précieux. À la mort d'Édouard en 1894, Nélie poursuit seule cette quête jusqu'à léguer l'ensemble à l'Institut de France en 1912, transformant leur demeure en musée ouvert au public.
Les salons d'apparat du rez-de-chaussée dévoilent une éblouissante collection d'art français du XVIIIe siècle. Le Salon des Peintures expose des toiles de Boucher, Chardin et Nattier, tandis que le Grand Salon en rotonde présente une galerie de bustes sculptés par Coysevox, Houdon et Pigalle. Le mobilier rivalise de raffinement avec des commodes signées Riesener et des fauteuils estampillés recouverts de tapisseries de Beauvais.
Au premier étage, l'ancien atelier de Nélie abrite le saint des saints : le musée italien. Réservé à quelques privilégiés du vivant des époux André, cet espace rassemble la plus importante collection privée de peintures italiennes à Paris. La Vierge à l'Enfant de Botticelli côtoie des panneaux de Paolo Uccello et des sculptures de Donatello. Les primitifs flamands ne sont pas en reste avec Les Pèlerins d'Emmaüs de Rembrandt et des œuvres de Van Dyck.
En 1893, lors d'un voyage en Vénétie, le couple découvre deux fresques spectaculaires de Giambattista Tiepolo dans la villa Contarini. Ils les achètent et les font démonter panneau par panneau. L'opération prend huit mois. Aujourd'hui, ces chefs-d'œuvre ornent l'escalier d'honneur et l'actuel salon de thé, ancienne salle à manger.
L'escalier à double révolution reste la pièce maîtresse de l'hôtel. Cette prouesse technique d'Henri Parent marie marbre, pierre, fer et bronze dans une légèreté surprenante. Les deux volées s'élancent en tournant sur elles-mêmes, multipliées à l'infini par les miroirs qui tapissent les murs du jardin d'hiver.
Ce jardin d'hiver, mode venue d'Angleterre sous Napoléon III, permettait aux invités de se rafraîchir entre deux salons étouffants. La verrière inonde l'espace de lumière, faisant scintiller les sculptures antiques et les plantes exotiques. En 1876, la revue L'Illustration s'extasie devant cette merveille architecturale.
Le conseil d'ami : réservez votre billet en ligne pour éviter la file d'attente et privilégiez une visite en matinée en semaine. L'audioguide gratuit enrichit considérablement l'expérience. Ne manquez pas le salon de thé installé dans l'ancienne salle à manger sous la fresque de Tiepolo, accessible sans billet de musée.
Le parcours vous fait découvrir les appartements privés du couple : la chambre de Madame meublée dans le goût Louis XV, l'antichambre où ils prenaient leur petit-déjeuner entourés de portraits de famille, la bibliothèque d'Édouard et son fumoir aux souvenirs de voyages.
Les expositions temporaires, deux à trois par an, attirent près de 400 000 visiteurs annuels. En 2024, d'importants travaux de restauration ont redonné tout son éclat au monument historique, notamment à l'escalier monumental et aux fresques de Tiepolo.
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