
Le mot de la rédaction, publié le 27/10/2025
Vingt ans avant le Taj Mahal, une impératrice en deuil inventa le langage architectural qui révolutionnerait l'art moghol. Ce petit mausolée en marbre blanc, dressé sur les berges de la Yamuna, fut le premier à oser l'incrustation de pierres semi-précieuses dans le marbre. Sans lui, le Taj Mahal n'aurait jamais existé sous cette forme.
Entre 1622 et 1628, l'impératrice Nur Jahan, épouse de Jahangir, fit construire ce tombeau pour honorer son père Mirza Ghiyas Beg, grand vizir de l'empire dont le titre honorifique était Itimad-ud-Daulah (pilier de l'État). Elle y introduisit des innovations qui marqueraient à jamais l'architecture moghole.
Premier monument moghol entièrement revêtu de marbre blanc, il abandonne le grès rouge traditionnel pour une élégance toute persane. La technique du pietra dura, empruntée aux artisans florentins, y fait son apparition en Inde : des milliers de fragments de pierres colorées incrustés dans le marbre pour créer des motifs floraux d'une finesse microscopique. Shah Jahan, qui visita régulièrement ce monument pendant sa construction, en tira l'inspiration pour son propre projet vingt ans plus tard.
Le bâtiment carré, coiffé d'un pavillon à quatre tourelles, mesure 23 mètres de côté. Modeste comparé au Taj, mais d'une délicatesse supérieure. Les murs de marbre sont percés de jalis, ces écrans ajourés qui filtrent la lumière en créant des motifs géométriques mouvants. L'air circule, la pierre respire.
Les incrustations de lapis-lazuli, onyx, jaspe, topaze et cornaline dessinent des vignes, des coupes de fruits, des carafes de vin (détail rare dans l'architecture islamique). Certains panneaux représentent des cyprès stylisés, symboles de la vie éternelle dans la tradition persane.
La chambre funéraire centrale abrite les cénotaphes du vizir et de son épouse Asmat Begum. Les murs intérieurs surpassent l'extérieur en raffinement : chaque centimètre carré semble avoir demandé des semaines de travail minutieux. Les peintures murales, rares dans l'art moghol, ajoutent des touches de couleur aux compositions minérales.
Le conseil d'ami : visitez en fin d'après-midi quand la lumière rasante fait étinceler les pierres semi-précieuses. Apportez une lampe de poche pour révéler les détails invisibles à l'œil nu dans les zones ombragées.
Contrairement au Taj Mahal qui croule sous les visiteurs, le mausolée d'Itimad-ud-Daulah reste relativement épargné par le tourisme de masse. Les jardins persan charbagh (littéralement "quatre jardins") qui l'entourent invitent à la flânerie. Pelouses soignées, canaux d'irrigation, bassins réfléchissants recréent le paradis terrestre tel que le concevaient les Moghols.
Le site ferme à 18h. Les deux dernières heures offrent une tranquillité absolue, parfois troublée seulement par le chant des paons qui nichent dans les arbres environnants. De la terrasse supérieure, la vue embrasse la Yamuna et, au loin, le dôme du Taj Mahal.
Comptez une heure pour une visite complète. Prenez le temps d'observer les détails : les artisans moghols ne travaillaient pas pour l'effet de masse mais pour la contemplation rapprochée. Chaque pierre raconte une histoire de patience et de dévotion filiale.
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