


Le mot de la rédaction, pulié le 11/11/2025
Au bord de Potsdamer Platz, une structure futuriste défie les lois de la pesanteur : un toit géant de 67 mètres composé de textile, d'acier et de verre flotte au-dessus d'un forum elliptique comme une tente spatiale. Le soir venu, des milliers de LED transforment cette canopée en spectacle lumineux où le cyan se fond dans le magenta, recréant artificiellement les couleurs d'un coucher de soleil qui ne finit jamais.
Ce complexe de huit bâtiments, inauguré en 2000 et rebaptisé Center Potsdamer Platz en avril 2023, représente le projet berlinois le plus emblématique de l'architecte germano-américain Helmut Jahn. Après la chute du Mur en 1989, Potsdamer Platz n'était qu'un no man's land désolé, vestige de la division. Sony a transformé ce terrain vague en un symbole éclatant de la renaissance urbaine allemande.
L'ensemble s'étend sur six hectares et abrite bureaux, appartements, restaurants, boutiques et institutions culturelles. Mais c'est surtout un manifeste architectural : la ville "réelle" à l'extérieur, la ville "virtuelle" à l'intérieur, séparées par une série de passages et de portes qui théâtralisent ce glissement d'un monde à l'autre. Le lieu incarne ce Berlin qui refuse de choisir entre mémoire historique et avant-garde technologique.
Le toit du forum reste l'élément le plus spectaculaire : 4000 m² de panneaux textiles tendus sur une structure d'acier de 700 tonnes, accrochés à un anneau qui repose sur les bâtiments environnants. Au centre, une ouverture circulaire de neuf mètres laisse entrevoir le ciel berlinois. Cette conception unique crée un espace semi-ouvert où la lumière naturelle dialogue avec l'éclairage artificiel conçu par l'artiste français Yann Kersalé.
L'autre tour de force architectural se cache à l'est du complexe : un gratte-ciel de verre de 103 mètres qui abrite les bureaux de la Deutsche Bahn, le plus haut bâtiment de Potsdamer Platz. Sa façade en acier brossé de 1,5 mm d'épaisseur reflète perpétuellement son environnement, créant des jeux de miroirs avec les structures voisines.
L'histoire la plus fascinante du Sony Center concerne le Kaisersaal de l'ancien Grand Hôtel Esplanade. Lors de la planification, les architectes réalisent que les fragments survivants de ce palace historique n'ont pas été pris en compte. Plutôt que de détruire ce vestige, ils décident de déplacer l'intégralité du salon impérial sur 75 mètres à l'aide d'un coussin d'air. Aujourd'hui, ce bijou Art nouveau aux dorures éclatantes contraste délicieusement avec le verre et l'acier qui l'entourent.
Le conseil d'ami : revenez au Sony Center après la tombée de la nuit pour assister au spectacle lumineux du toit. Le show débute avec une lumière blanche qui prolonge artificiellement le jour, puis les couleurs évoluent progressivement du cyan au magenta pendant environ 15 minutes. Le meilleur point de vue ? Installez-vous à une terrasse du forum avec une bière allemande.
Le complexe hébergeait autrefois la Deutsche Kinemathek - Museum für Film und Fernsehen, temple du cinéma allemand où les collections permanentes racontaient l'histoire du septième art germanique depuis les films muets expressionnistes jusqu'aux productions contemporaines. Le musée a déménagé vers le quartier de E-Werk et rouvrira au quatrième trimestre 2025 après rénovation. Les 13 salles d'exposition présentaient plus de 1000 objets : costumes originaux de Marlene Dietrich, accessoires des films de Fritz Lang, évolution des techniques depuis le muet jusqu'aux effets numériques.
Le Legoland Discovery Centre occupe l'un des étages avec ses ateliers de construction et sa reproduction miniature de Berlin en briques colorées. Le cinéma Arsenal, dédié au cinéma expérimental et d'auteur, programme régulièrement des rétrospectives et des œuvres rares. Les cinémas commerciaux IMAX ont fermé fin 2019, mais l'offre culturelle reste riche avec expositions temporaires et projections spéciales pendant la Berlinale.
En 2025, le Center Potsdamer Platz entame une phase de modernisation. Les travaux prévoient la refonte complète des espaces verts et extérieurs, l'amélioration des bâtiments de bureaux et l'élargissement de l'offre gastronomique et commerciale. Cette transformation vise à revitaliser un lieu dont certains visiteurs trouvent l'atmosphère un peu aseptisée, trop lisse dans sa version actuelle.
L'objectif : retrouver ce mélange unique de vie urbaine spontanée et d'architecture audacieuse qui faisait de Potsdamer Platz le carrefour le plus fréquenté d'Europe dans les années 1920. Le complexe reste accessible en permanence et continue d'attirer les Berlinois et touristes qui viennent flâner, boire un verre ou simplement admirer cette prouesse technique où le textile danse avec la lumière.
*Informations sujettes à variation