
Visiter Francfort : quand la finance épouse les colombages
Le mot de la rédaction, mis à jour le 22/10/2025
Des gratte-ciels qui frôlent les nuages, des maisons à colombages qui résistent au temps, et entre les deux, le parfum acidulé de l'Apfelwein qui flotte dans les ruelles pavées. Bienvenue dans la cinquième ville d'Allemagne, celle qu'on surnomme Mainhattan pour sa skyline vertigineuse, mais qui cache derrière ses tours de verre une âme bien plus complexe qu'il n'y paraît.
Francfort, capitale du contraste assumé
Détruite à 90 % pendant la Seconde Guerre mondiale, reconstruite dans la fièvre des années 1950, la ville ne fait pas dans la demi-mesure. Capitale financière abritant la Banque Centrale Européenne, elle affiche sans complexe sa réussite avec ses 259 mètres de la tour Commerzbank qui dominent le Main. Pourtant, à quelques rues de ces temples de la finance, la place du Römerberg vous ramène au Moyen Âge avec ses façades gothiques méticuleusement reconstituées.
Cette destination convient parfaitement aux amateurs d'art et de culture qui apprécieront le Museumsufer, cette impressionnante concentration de 38 musées le long du fleuve. Les gourmets curieux y trouveront leur compte avec des spécialités que vous ne goûterez nulle part ailleurs en Allemagne.
En revanche, si vous cherchez une carte postale romantique ou une authenticité médiévale intacte, mieux vaut vous tourner vers Rothenburg ou Heidelberg.
Le budget coûteux est aussi une réalité : avec un PIB par habitant de 85 300 euros, la ville la plus riche d'Allemagne pratique des tarifs en conséquence, notamment pour l'hébergement.
L'Altstadt et le Römerberg, le cœur historique reconstitué
La place du Römerberg constitue le point de référence de toute visite. Ces maisons à colombages colorées que vous photographiez ? Elles datent... des années 1980. Mais qu'importe, la reconstruction à l'identique fonctionne et l'ensemble dégage un charme indéniable. L'hôtel de ville aux trois pignons gothiques domine la place depuis des siècles, tandis que la cathédrale Saint-Barthélemy en grès rougeâtre se dresse à deux pas.
Cette cathédrale du XIVe siècle mérite le détour, ne serait-ce que pour son rôle historique : c'est ici que furent couronnés les empereurs du Saint Empire Romain Germanique de 1562 à 1806. Les 328 marches jusqu'au sommet de sa tour gothique de 95 mètres offrent une vue panoramique sur la ville. L'entrée est gratuite, seule la montée à la tour coûte 3 euros.
L'Église Saint-Paul, avec son plan circulaire inhabituel, raconte un pan important de l'histoire allemande. En 1848, ce lieu de culte a temporairement abrité le premier parlement démocratique allemand, même si Bonn lui ravira finalement le titre de capitale en 1949.
Le conseil d'ami : procurez-vous la Frankfurt Card dès votre arrivée. Pour 11,50 € (1 jour) ou 17 € (2 jours), elle inclut tous les transports en commun, y compris vers l'aéroport, et offre jusqu'à 50 % de réduction sur les musées et attractions. Elle s'amortit dès le deuxième déplacement.
Mainhattan et les hauteurs vertigineuses
Le quartier d'affaires impressionne même les New-Yorkais blasés. La concentration de tours dépasse les 200 mètres, avec la tour Commerzbank qui culmine à 259 mètres. Mais la seule ouverte au public reste la Main Tower : pour 9 euros, l'ascenseur vous propulse à près de 200 mètres de hauteur où une plateforme d'observation à 360 degrés révèle toute l'étendue de la métropole rhénane.
Le contraste architectural fascine. En quelques minutes à pied depuis le Römerberg, vous passez des colombages médiévaux aux façades de verre et d'acier signées par des architectes de renommée mondiale. Le soir venu, les gratte-ciels s'illuminent et offrent un spectacle qui justifie à lui seul le surnom de Mainhattan.
Pour une perspective différente, traversez l'Eiserner Steg, ce pont de fer néo-gothique piétonnier construit en 1869. Plus de 10 000 personnes l'empruntent chaque jour. De là, la vue sur la skyline avec le Main au premier plan compose l'une des images les plus emblématiques de la ville.
Sachsenhausen, entre musées et tavernes à cidre
Sur la rive sud du Main, le quartier de Sachsenhausen incarne la double personnalité de la ville. D'un côté, le célèbre Museumsufer aligne des institutions culturelles de premier plan. Le musée Städel abrite plus de 3 000 peintures couvrant sept siècles d'art européen, de la Renaissance aux œuvres de Monet, Picasso et Ernst Ludwig Kirchner. Le MMK (Museum für Moderne Kunst) se consacre à l'art contemporain dans un bâtiment triangulaire spectaculaire.
Pour les familles, le musée paléontologique émerveillera les enfants avec les plus grandes reproductions de dinosaures d'Europe. Le pass Museumsufer à 21 euros pour deux jours permet d'accéder à l'ensemble des 38 musées, un calcul vite rentabilisé.
De l'autre côté du quartier, Alt-Sachsenhausen vibre au rythme des tavernes traditionnelles. C'est ici que bat le cœur de la culture de l'Apfelwein, ce cidre amer servi dans des pichets en grès gris appelés Bembel. Les ruelles pavées serpentent entre les établissements centenaires où locaux et touristes se côtoient dans une ambiance chaleureuse. La tour Goethe, avec ses 43 mètres et son treillis de bois, offre un point de vue spectaculaire sur le quartier.
Le conseil d'ami : visitez le Kleinmarkthalle, le marché couvert historique à cinq minutes de la cathédrale. Au stand Schreiber, commandez une saucisse chaude servie dans un petit pain avec moutarde et cornichon. Au deuxième étage, la terrasse permet de déguster un verre de vin régional en observant l'animation du marché.
Le Palmengarten et les poumons verts
Quand l'effervescence urbaine devient étouffante, cap sur le jardin botanique du Palmengarten. S'étendant sur 22 hectares, il constitue le plus grand jardin botanique d'Allemagne. Les serres abritent des milliers d'espèces végétales et des papillons multicolores. L'endroit parfait pour une pause bucolique avant de replonger dans le tourbillon de la métropole.
Où manger et boire à Francfort ?
La gastronomie francfortoise détonne. Oubliez la finesse, ici on cultive le rustique avec fierté. Les Frankfurter Würstchen, ces fines saucisses de porc bouillies, se mangent par deux avec une salade de pommes de terre ou de la purée. Ne cherchez pas de différence avec les saucisses de Vienne : elles sont identiques, seul le nom change selon qui en revendique la paternité.
La Grüne Soße, sauce verte emblématique de la région, mélange sept herbes précises : ciboulette, pimprenelle, bourrache, persil, cerfeuil, cresson et oseille. Servie froide avec des œufs durs et des pommes de terre, elle accompagne aussi les escalopes panées. Cette spécialité bénéficie d'une AOC depuis 2016 et possède même son festival en mai. La légende raconte que Goethe en raffolait.
Le Handkäse mit Musik constitue l'autre spécialité incontournable : un fromage au lait caillé à la texture caoutchouteuse, mariné dans le vinaigre avec oignons et cumin. Le "mit Musik" fait référence avec humour aux effets digestifs des oignons. Dans les tavernes traditionnelles de Sachsenhausen comme l'Apfelwein Wagner ou le Dauth Schneider, ces plats s'accompagnent d'un Bembel d'Apfelwein, le cidre local amer servi pur ou mélangé à de la limonade.
Où dormir à Francfort et aux alentours ?
Le quartier de l'Altstadt reste le choix privilégié pour un premier séjour, malgré des tarifs élevés. Vous serez au cœur de l'action, à distance de marche des principales attractions. Le Bahnhofsviertel, autour de la gare centrale, propose des options plus abordables mais le quartier garde une réputation sulfureuse, surtout la nuit.
Sachsenhausen-Nord offre un excellent compromis : ambiance locale authentique, proximité des musées et des tavernes à cidre, tout en restant accessible financièrement. Les quartiers résidentiels de Bornheim et Nordend séduisent ceux qui recherchent une atmosphère plus tranquille avec de bonnes connexions en transports. Comptez 100 à 200 euros la nuit pour un hôtel correct en centre-ville, davantage lors des grands salons professionnels qui envahissent régulièrement la ville.
Comment se rendre et se déplacer à Francfort ?
L'aéroport de Francfort (FRA), troisième d'Europe, connecte la ville au monde entier. Les lignes 8 et 9 du U-Bahn rejoignent la gare centrale en 15 minutes pour 4,25 euros. Depuis Paris, le TGV-ICE rallie la métropole en 3h50, un excellent moyen d'éviter l'avion. La gare centrale (Hauptbahnhof) constitue l'un des plus importants nœuds ferroviaires d'Europe avec 700 mouvements de trains quotidiens.
En ville, le réseau de transports publics combine U-Bahn (métro), S-Bahn (trains régionaux) et bus. Un ticket simple coûte 2,75 euros et reste valable 60 minutes, mais le pass journalier à 5,35 euros s'avère vite rentable. La carte Frankfurt Card reste néanmoins la meilleure option. En voiture, attention : l'échangeur autoroutier de la ville est le plus fréquenté d'Europe, synonyme d'embouteillages garantis aux heures de pointe.
Le centre-ville se parcourt aisément à pied. Du Römerberg à la Main Tower, comptez dix minutes de marche. Les vélos en libre-service permettent de longer agréablement les berges du Main, notamment sur la Cinta Costera qui s'étend jusqu'aux quartiers modernes.
Quand y aller ?
La période idéale s'étend de mai à octobre, lorsque les températures oscillent entre 15 et 25°C et que les terrasses des Biergarten s'animent. Le climat semi-continental rend l'hiver plutôt rigoureux, avec des températures souvent négatives. Néanmoins, le marché de Noël de novembre à décembre compte parmi les plus réputés d'Allemagne et mérite largement de braver le froid pour déguster un Glühwein (vin chaud) fumant.
Évitez les périodes de grands salons professionnels comme la Foire du Livre en octobre : les hôtels affichent complet et les prix s'envolent.





