Sendai, porte du nord et dernier souffle urbain avant les rizières
Il est 7h du matin à Sendai et le marché Asaichi s'éveille déjà. Des vieux messieurs en tablier préparent des onigiri faits main pendant que les habitués du quartier remplissent leurs paniers de légumes et de poisson frais. Personne ne vous bouscule, personne ne court. Ici, Tokyo semble appartenir à une autre planète.
Capitale de la préfecture de Miyagi et plus grande ville de la région du Tohoku, Sendai est ce que les Japonais appellent sumiyasui : facile à vivre. Fondée en 1600 par Date Masamune, le redoutable seigneur borgne que ses ennemis surnommaient le « Dragon », la ville a conservé cette personnalité singulière, à mi-chemin entre modernité urbaine et traditions du nord.
Sendai, est-elle une destination pour vous ?
Sendai s'adresse aux voyageurs qui cherchent une autre facette du Japon. Loin des foules de Kyoto et de l'intensité de Tokyo, cette ville d'un million d'habitants offre un rythme plus détendu, des avenues bordées de zelkovas centenaires et une scène gastronomique dont la réputation dépasse largement les frontières du Tohoku. Les amateurs d'histoire samouraï trouveront ici un territoire riche, tandis que les gourmets pourront s'adonner à la fameuse langue de bœuf grillée dans l'un des cent restaurants spécialisés de la ville.
En revanche, si vous cherchez des temples grandioses à chaque coin de rue ou une effervescence permanente, Sendai risque de vous sembler trop calme. La ville se vit comme une base d'exploration vers la baie de Matsushima, le temple montagnard de Yamadera ou les sources chaudes d'Akiu, plutôt que comme une destination où passer une semaine entière. Deux à trois jours suffisent pour en saisir l'essence.
Un budget raisonnable pour le Japon
Sendai reste plus abordable que Tokyo ou Osaka. Comptez environ 7 000 à 10 000 yens par nuit pour un business hotel correct près de la gare, 1 200 à 2 000 yens pour un repas de gyutan, et 300 à 800 yens pour les entrées des sites touristiques. Le pass journalier du bus Loople coûte 630 yens.
Le cœur historique : sur les traces du Dragon borgne
Tout commence par le Zuihoden, le mausolée de Date Masamune niché sur une colline boisée au sud-ouest du centre-ville. L'architecture de style Momoyama, reconstruite après les bombardements de 1945, déploie ses boiseries dorées et ses couleurs vives au milieu des cèdres centenaires. L'atmosphère y est étrangement paisible malgré la grandeur du lieu. Un petit musée adjacent expose des artefacts du clan Date et des reconstitutions de l'armure noire du seigneur, celle qui aurait inspiré le casque de Dark Vador selon une légende tenace.
Les ruines du château de Sendai, perchées sur le mont Aoba, offrent une vue panoramique sur la ville et ses gratte-ciels modernes. Du château originel, il ne reste que des fondations et quelques pans de muraille. La star du site est sans conteste la statue équestre de Masamune, qui surveille la plaine depuis son promontoire. Le sanctuaire Gokoku-jinja et le musée de la ville de Sendai, situés à proximité, méritent également le détour pour comprendre l'histoire de cette famille qui a régné sur le nord pendant plus de 270 ans.
Conseil d'ami : le bus Loople dessert les principaux sites historiques avec des annonces en anglais. Cependant, vérifiez bien si le pass journalier est rentable pour vous : un trajet simple coûte 260 yens, contre 630 yens pour le pass. Si vous ne visitez que deux ou trois arrêts, payez à l'unité.
Le centre-ville : arbres, arcades et izakayas
L'avenue Jozenji-dori résume à elle seule le surnom de Sendai. Cette artère bordée de quatre rangées de zelkovas japonais forme un tunnel végétal spectaculaire dès le printemps. En décembre, les arbres se parent de 600 000 lumières pour le Pageant of Starlight, l'une des plus belles illuminations hivernales du pays. La promenade centrale, agrémentée de sculptures, invite à la flânerie entre les cafés et galeries qui jalonnent le parcours.
À quelques pas, l'arcade commerciale Ichibancho s'étire sur plusieurs centaines de mètres depuis la sortie ouest de la gare. Sous son toit couvert, on trouve aussi bien des chaînes de mode japonaise que des boutiques de kokeshi, ces poupées en bois traditionnelles dont Miyagi est le berceau. Le soir, le quartier de Kokubuncho s'anime avec ses 2 500 bars et restaurants. Les rues étroites, illuminées de lanternes et d'enseignes lumineuses, abritent des izakayas où les habitués côtoient les visiteurs autour de brochettes fumantes et de bières fraîches.
Les excursions depuis Sendai
La baie de Matsushima figure parmi les trois plus beaux paysages du Japon, aux côtés de Miyajima et Amanohashidate. Ses 260 îlots couverts de pins émergent d'eaux calmes, offrant un spectacle que le poète Bashô lui-même jugea indicible. À 40 minutes de train par la ligne Senseki, l'excursion permet de combiner une croisière entre les îles, la visite du temple Zuiganji classé trésor national, et une dégustation d'huîtres fraîches sur le front de mer.
Pour les amateurs de whisky, la distillerie Nikka Miyagikyo mérite le déplacement. Fondée en 1969 par Masataka Taketsuru, le père du whisky japonais, elle occupe une vallée verdoyante à 40 minutes de train de Sendai. Les bâtiments en briques rouges se reflètent dans un étang où nagent des cygnes. La visite guidée gratuite dure 70 minutes et se termine par une dégustation. Attention : réservez en avance et prévoyez la journée, l'accès depuis la gare de Sakunami prenant 40 minutes à pied en semaine.
Conseil d'ami : le temple Yamadera, techniquement situé dans la préfecture de Yamagata, est accessible en moins d'une heure depuis Sendai par la ligne Senzan. Ses 1 000 marches grimpent à flanc de falaise jusqu'à des pavillons accrochés au vide. L'effort se mérite, mais la vue au sommet récompense largement l'ascension.
Où manger et boire à Sendai ?
Le gyutan, langue de bœuf grillée au charbon, est la fierté culinaire de la ville. Ce plat né dans l'après-guerre se déguste en tranches fondantes accompagnées de riz à l'orge, d'une soupe de queue de bœuf et de légumes marinés. La petite allée Gyutan-dori, juste à côté de la gare, concentre plusieurs restaurants spécialisés, dont certains ouvrent dès le petit-déjeuner. Le restaurant Rikyu, présent dans plusieurs quartiers, propose une version particulièrement réputée.
L'autre spécialité locale est le zunda, une pâte sucrée vert tendre à base d'edamame écrasés. On la retrouve sur des mochi, dans des parfaits, ou sous forme de shakes glacés chez Zunda Saryo, installé dans la gare de Sendai. Pour les amateurs de poisson, le marché Shiogama, à 30 minutes en train, détient le record de concentration de bars à sushi par habitant au Japon.
Où dormir à Sendai et aux alentours ?
Le quartier autour de la gare JR de Sendai concentre la majorité des hébergements, des business hotels standardisés aux établissements plus haut de gamme. Cette localisation permet d'accéder facilement aux lignes de train et au bus Loople. Les hôtels Daiwa Roynet et Metropolitan Sendai offrent un bon rapport qualité-prix avec des chambres propres et compactes.
Pour une expérience différente, les sources chaudes d'Akiu Onsen, à 30 minutes en bus du centre, proposent des ryokans traditionnels avec bains extérieurs et cuisine kaiseki. Cette option convient parfaitement à ceux qui souhaitent combiner visite urbaine et détente thermale.
Comment se rendre et se déplacer à Sendai ?
Le Shinkansen Tohoku relie Tokyo à Sendai en 1h30 environ pour 11 000 yens l'aller. Le trajet est couvert par le Japan Rail Pass. Pour les budgets serrés, les bus de nuit depuis Tokyo ou Shinjuku descendent à 3 000 yens, mais comptez cinq à six heures de route. L'aéroport de Sendai, desservi par quelques vols domestiques et internationaux, se trouve à 25 minutes du centre en train.
Dans la ville, le bus touristique Loople effectue une boucle de 75 minutes desservant les principaux sites. Deux lignes de métro, Namboku et Tozai, se croisent à la gare centrale. Le centre-ville se parcourt aisément à pied, et le service de vélos en libre-service Docomo Bike Share permet d'explorer les quartiers plus excentrés.
Quand y aller ?
Le Tanabata Matsuri, du 6 au 8 août, transforme les arcades commerciales en forêts de banderoles colorées. C'est l'événement majeur de l'année, mais aussi la période la plus fréquentée. Le Jozenji Street Jazz Festival de septembre anime les rues de concerts gratuits, tandis que les illuminations de décembre attirent les foules sous les zelkovas scintillants. Le printemps, notamment avril et début mai pour les cerisiers, offre des températures agréables et une affluence modérée.




