
Le mot de la rédaction, publié le 24/10/2025
Au cœur des premiers jardins publics d'Europe, une ruine romantique défie les certitudes depuis deux millénaires. Le Temple de Diane de Nîmes porte mal son nom. Les archéologues s'accordent sur un point : ce bâtiment énigmatique n'a jamais été un temple. Alors bibliothèque sacrée ? Dortoir mystique pour pèlerins en quête de songes prophétiques ? Le mystère reste entier.
Construit au Ier siècle sous le règne d'Auguste, cet édifice faisait partie de l'Augusteum, un vaste sanctuaire impérial organisé autour de la source sacrée de Nemausus. Les Volques Arécomiques vénéraient déjà cette fontaine bien avant l'arrivée des Romains. L'empereur Auguste s'appropria ce lieu saint pour y installer le culte de sa personne et de sa famille, créant ainsi un complexe monumental unique en Gaule.
Son architecture basilicale atypique le distingue radicalement des temples romains traditionnels. La salle principale voûtée mesure 14,52 mètres de longueur sur 9,55 mètres de largeur. Ses niches murales, alternant frontons triangulaires et semi-circulaires, ont inspiré les architectes de la Renaissance française. Cette disposition inhabituelle évoque davantage les bibliothèques impériales de Rome ou d'Éphèse que les sanctuaires classiques.
Les douze niches qui rythment les murs latéraux auraient pu accueillir des rouleaux de papyrus. Deux bibliothèques romaines aux dimensions similaires confortent cette théorie. L'édifice n'était éclairé que par une unique ouverture au-dessus de la porte d'entrée, créant une pénombre propice à la conservation des textes anciens. Mais la proximité immédiate de l'eau et des thermes pose question : l'humidité aurait rapidement dégradé ces précieux manuscrits.
L'historien nîmois Alain Veyrac propose une interprétation audacieuse. Les pèlerins venus consulter l'oracle auraient dormi dans cette salle obscure, attendant que les dieux leur envoient des songes révélateurs. Une inscription retrouvée sur place, dédiée aux Parques par un certain Valérius Tatinus, mentionne un vœu accompli suite à un ordre reçu en songe. Cette pratique de l'incubation était courante dans plusieurs sanctuaires romains.
Si le temple a traversé vingt siècles, c'est grâce à sa conversion en monastère bénédictin au Moyen Âge. Les moines de Saint-Sauveur de la Fontaine transformèrent la grande salle en église, assurant ainsi sa protection. Cette occupation sauva l'édifice de la destruction totale, même si un violent incendie le ravagea vers 1570, pendant les guerres de Religion.
Au XVIIIe siècle, les ruines romantiques séduisent les artistes. Le peintre Hubert Robert immortalise le temple dans plusieurs toiles conservées au Louvre et au musée Thyssen-Bornemisza. L'architecte vénitien Palladio en réalise de nombreux croquis lors de son séjour à Nîmes, quelques années avant l'incendie qui lui donna son apparence actuelle.
Le temple se découvre au détour d'une allée des Jardins de la Fontaine, presque dissimulé derrière un bosquet de pins. L'accès est libre et gratuit, permettant d'entrer dans la grande salle voûtée et d'admirer de près les niches sculptées. Les caissons ornés qui subsistent au fond de la salle témoignent du raffinement originel du décor.
Prenez le temps d'observer sa conception :
Le conseil d'ami : visitez le temple en fin d'après-midi quand la lumière rasante illumine les sculptures des niches. L'atmosphère devient alors particulièrement envoûtante. Poursuivez ensuite votre promenade jusqu'à la Tour Magne au sommet du mont Cavalier pour embrasser du regard tout le sanctuaire augustéen.
*Informations sujettes à variation
En plus, l’accès est gratuit. Ne le manquez pas !