

Le mot de la rédaction, publié le 26/10/2025
Au centre exact de l'ancienne cité royale d'Angkor Thom se dresse un sanctuaire hors du commun. Plus de deux cents visages de pierre, hauts de quatre mètres chacun, vous observent depuis les tours gothiques du temple. Chaque visage arbore ce même sourire énigmatique, yeux mi-clos, figé dans une sérénité qui traverse les siècles. Le Bayon ne ressemble à aucun autre temple khmer.
Édifié à la fin du XIIe siècle par le roi Jayavarman VII, le Bayon fut le dernier grand temple d'État construit à Angkor. Ce souverain bouddhiste, considéré comme le plus grand roi de l'empire khmer, a bâti ce sanctuaire comme temple personnel et centre spirituel de sa capitale. La particularité du lieu tient à sa genèse : pressé par l'âge, Jayavarman VII ordonna une construction rapide, en plusieurs phases successives.
Le temple fut initialement bouddhiste, puis transformé en sanctuaire hindou sous le règne de Jayavarman VIII, avant de redevenir bouddhiste. Cette histoire mouvementée a créé une architecture labyrinthique unique où se mêlent influences bouddhistes et hindoues.
Les fameux visages représenteraient soit le bodhisattva Avalokiteshvara, incarnation de la compassion suprême, soit le roi lui-même. Les deux hypothèses coexistent, reflétant la conception khmère du roi-dieu. Chaque tour comporte quatre visages tournés vers les points cardinaux, symbolisant l'omniprésence du pouvoir royal sur les cinquante-quatre provinces de l'empire.
Au-delà des visages monumentaux, le Bayon recèle un trésor artistique souvent sous-estimé. Sur 1,2 kilomètre de galeries, plus de 11 000 figures sculptées déploient un récit épique et vivant de la civilisation khmère au XIIIe siècle. Ces bas-reliefs constituent un document historique exceptionnel.
La galerie externe révèle des scènes historiques saisissantes. On y découvre la célèbre bataille navale entre les Khmers et les Chams sur le lac Tonlé Sap, avec un luxe de détails stupéfiant : les vagues, les poissons, les rameurs en plein effort. D'autres panneaux immortalisent des scènes quotidiennes : marchés grouillants, pêcheurs lançant leurs filets, combats de coqs, jongleurs en représentation, préparatifs militaires. C'est une fenêtre unique sur la vie ordinaire de l'époque angkorienne.
Les galeries du second niveau plongent dans l'univers mythologique. Le barattage de l'océan de lait, légende fondatrice de la cosmologie hindoue et bouddhiste, s'y déploie majestueusement. Des processions royales vers les temples, des offrandes aux dieux et des scènes religieuses complexes ornent ces murs. L'attention aux détails est remarquable : chaque personnage possède une expression faciale distincte.
Le conseil d'ami : visitez le Bayon tôt le matin, entre 7h30 et 9h, ou en fin d'après-midi après 15h30. Non seulement vous éviterez les groupes touristiques, mais la lumière rasante du matin et du soir sculpte magnifiquement les reliefs et accentue le mystère des visages. De nombreux photographes considèrent ces heures comme idéales pour capturer l'angle iconique où deux visages semblent s'embrasser.
Contrairement à la plupart des temples khmers, le Bayon ne possède ni mur d'enceinte ni douves. Les fortifications d'Angkor Thom lui servaient de protection. L'architecture du temple s'organise sur trois niveaux qui forment un véritable dédale.
Le premier niveau est constitué de galeries carrées ponctuées de pavillons d'entrée. C'est là que se trouvent les bas-reliefs historiques les plus spectaculaires. Le second niveau, légèrement surélevé, abrite les scènes mythologiques. Le troisième niveau, circulaire, constitue le point culminant : la terrasse supérieure où se dressent les tours aux visages. La tour centrale s'élève à 43 mètres de hauteur.
Prévoyez au minimum deux heures pour explorer convenablement le site. Les escaliers sont raides, les passages étroits, et l'architecture déroutante peut désorienter. C'est justement cette complexité qui rend l'exploration fascinante. Chaque recoin réserve une découverte : une chapelle oubliée, un autel fleuri, un angle photographique inédit sur les visages.
Depuis 1994, une collaboration internationale entre le Japon, le Cambodge et l'UNESCO œuvre à la sauvegarde du temple. Des travaux majeurs ont débuté en 2020, financés par le gouvernement japonais. Le troisième niveau supérieur reste parfois inaccessible durant certaines phases de restauration, mais les deux niveaux inférieurs avec leurs somptueux bas-reliefs demeurent ouverts. Ces efforts titanesques garantissent la pérennité de ce joyau pour les générations futures. Le projet, qui a fêté ses 30 ans en 2024, est considéré comme un modèle en matière de conservation du patrimoine.
*Informations sujettes à variation
Pas encore d'avis publié sur ce lieu.
Soyez le premier ! Vos témoignages seront utiles pour les autres voyageurs et pourront faire gagner des dons à des associations.