
Le mot de la rédaction, publié le 07/10/2025
Au cœur du Marais, une ancienne église médiévale abrite l'une des plus fascinables collections techniques au monde. Le Musée des arts et métiers fait dialoguer depuis plus de deux siècles les voûtes gothiques d'un prieuré du XIIe siècle avec les machines qui ont façonné notre modernité. Ici, les avions semblent défier la gravité sous les ogives romanes, tandis qu'un pendule hypnotique prouve inlassablement que la Terre tourne.
Fondé en 1794 par l'abbé Grégoire pour conserver les "outils et machines nouvelles", ce musée occupe l'ancien prieuré royal de Saint-Martin-des-Champs, surnommé la "Deuxième Fille de Cluny". L'ambition était révolutionnaire pour l'époque : rendre accessible au peuple les inventions qui transformaient le monde.
Aujourd'hui, la collection compte près de 80 000 objets répartis en sept domaines thématiques. Des instruments scientifiques de Lavoisier aux premières automobiles, des automates du XVIIIe siècle aux machines à calculer de Pascal, chaque objet raconte une page de l'aventure technique de l'humanité. Ce patrimoine unique s'étend sur 6 000 m² d'exposition, où 2 500 pièces sont visibles du public.
L'ancienne église prieurale constitue le clou de la visite. Sa nef du XIIIe siècle, repeinte au XIXe dans un style néogothique, accueille une mise en scène théâtrale : des véhicules historiques perchés sur des mezzanines métalliques et des avions suspendus qui semblent voler entre les colonnes. L'Avion III de Clément Ader plane majestueusement au-dessus du grand escalier d'honneur, chef-d'œuvre architectural de 1740 signé Soufflot.
Sous la voûte du chœur, mélange fascinant de roman et de gothique naissant datant de 1130, trône le célèbre pendule de Foucault. Tous les jours à 12h et 17h, une démonstration de 25 minutes permet d'observer la rotation de la Terre en temps réel. Ce pendule, utilisé lors de l'Exposition universelle de 1855, continue de captiver par sa simplicité géniale : une sphère de 28 kg suspendue à 67 mètres qui dévie lentement, prouvant que c'est bien notre planète qui tourne sous nos pieds.
Le conseil d'ami : arrivez 10 minutes avant les démonstrations du pendule pour avoir une bonne place. Les week-ends, profitez des visites flash gratuites de 15 minutes proposées à 10h30, 11h, 14h et 15h, qui dévoilent les pépites méconnues des collections. Et si vous aimez Umberto Eco, sachez que son roman "Le Pendule de Foucault" se déroule en partie dans ces lieux.
La collection transports impressionne par sa diversité. Le fardier de Cugnot, ancêtre de l'automobile créé sous Louis XV, côtoie la légendaire Panhard & Levassor de 1896. Dans les airs, admirez le Blériot XI qui traversa la Manche en 1909 et les premiers appareils des frères Breguet.
Le laboratoire de Lavoisier, reconstitué avec ses instruments d'époque, témoigne de la naissance de la chimie moderne. Les machines à calculer, de celle de Pascal au superordinateur Cray-2 de 1985, illustrent l'évolution fulgurante du calcul. Ne manquez pas non plus :
Le bâtiment mérite à lui seul la visite. Le chœur de l'église, avec ses dix chapelles rayonnantes et son double déambulatoire à voûtes d'ogives, constitue l'un des tout premiers exemples d'architecture gothique à Paris. Il aurait même inspiré celui de la basilique Saint-Denis. Les fouilles menées dans les années 1990 ont révélé l'existence d'un sanctuaire mérovingien du Ve siècle : le premier sarcophage découvert est exposé dans le déambulatoire.
Le réfectoire des moines, datant des années 1230 et attribué à Pierre de Montreuil, impressionne par ses dimensions exceptionnelles : 42 mètres de long pour 12 de large, soutenus par une audacieuse rangée de fines colonnes. Ces espaces millénaires dialoguent aujourd'hui avec les créations de l'ère industrielle dans une harmonie inattendue.
*Informations sujettes à variation