Visiter le Cap-Vert : l'Afrique atlantique aux mille visages

Le mot de la rédaction, mis à jour le 05/10/2025

Dix îles volcaniques émergent de l'Atlantique, à 600 kilomètres des côtes sénégalaises. Ici, la lave noire rencontre le sable blanc, les montagnes arides plongent dans l'océan turquoise, et les rythmes de morna résonnent dans les ruelles pavées. Le Cap-Vert n'est ni tout à fait africain, ni tout à fait européen, ni complètement caribéen. C'est un archipel métis qui a façonné sa propre identité, entre héritage portugais et racines ouest-africaines.

Est-ce une destination faite pour vous ?

Ce pays s'adresse aux voyageurs qui cherchent l'authenticité plutôt que le luxe tape-à-l'œil. Si vous rêvez de resorts all-inclusive et d'animations poolside, passez votre chemin.

Le Cap-Vert récompense ceux qui acceptent de prendre les routes cahoteuses, de dormir chez l'habitant, de manger du cachupa dans les petits restaurants locaux. L'archipel séduit les randonneurs (Santo Antão est un paradis de trekking), les kitesurfeurs (Sal et Boa Vista offrent des conditions exceptionnelles), et les amateurs de musique live qui traînent dans les bars de Mindelo jusqu'au petit matin.

Attention toutefois : les infrastructures restent basiques sur certaines îles. Les routes de montagne peuvent être éprouvantes, les liaisons maritimes entre îles sont parfois annulées à cause du vent, et la saison des pluies (août-septembre) transforme certains sentiers en torrents.

Le coût de la vie est plus élevé qu'on ne l'imagine pour l'Afrique de l'Ouest, car presque tout est importé. Mais pour qui accepte ces contraintes, l'archipel dévoile une beauté brute et une chaleur humaine incomparables.

Santo Antão et Fogo : les îles de caractère

Ile de Santo Antão

Santo Antão incarne le Cap-Vert montagnard et agricole. Depuis le ferry qui vous dépose à Porto Novo (après 1h de traversée depuis Mindelo), vous découvrez une île sculptée par l'érosion. La route qui serpente vers Ribeira Grande traverse des paysages à couper le souffle : vallées verdoyantes plantées de canne à sucre, villages accrochés à flanc de montagne, cultures en terrasses qui défient la gravité.

Les sentiers de randonnée y sont spectaculaires. Le trek de Cova à Paul vous fait descendre dans un cratère transformé en jardin luxuriant. Trois à quatre heures de marche à travers bananiers, papayers et caféiers, avec des pentes parfois raides mais un spectacle permanent. Les locaux cultivent le grogue (rhum local) artisanal dans des alambics traditionnels.

Le conseil d'ami : engagez un guide local pour les randonnées. Non seulement ils connaissent les meilleurs itinéraires (certains sentiers sont mal balisés), mais ils vous ouvrent les portes des maisons pour goûter le grogue maison et partager un café.

Ile de Fogo

Fogo impressionne différemment. Cette île abrite un volcan actif qui a craché ses dernières coulées de lave en 2014-2015. Vous pouvez grimper jusqu'au cratère du Pico do Fogo (2829 mètres), le point culminant de l'archipel. L'ascension démarre avant l'aube pour éviter les nuages qui s'accumulent en fin de matinée. Compter 4 à 5 heures de montée dans la cendre volcanique, les jambes brûlent mais la vue depuis le sommet embrasse tout l'archipel.

Au pied du volcan, le village de Chã das Caldeiras renaît lentement. Les habitants ont reconstruit leurs maisons en pierre de lave après l'éruption. Ici, on cultive la vigne sur un sol volcanique qui produit un vin étonnamment bon. Les caves locales proposent des dégustations dans un décor lunaire.

Sal et Boa Vista : le Cap-Vert balnéaire

Ces deux îles plates incarnent le visage touristique de l'archipel. Sal attire les kitesurfeurs du monde entier à Ponta Preta et Kite Beach. De novembre à juin, les alizés soufflent avec régularité, créant des conditions parfaites pour glisser sur l'eau. Les écoles de kite pullulent à Santa Maria, le principal centre touristique de l'île.

Mais Sal, c'est aussi des plages de sable blanc qui s'étirent sur des kilomètres. La plage de Santa Maria se remplit de touristes européens, certes, mais en marchant 15 minutes vers le sud, vous trouvez des étendues quasi désertes. L'eau reste autour de 23-25 degrés toute l'année, avec une visibilité excellente pour le snorkeling.

Boa Vista pousse le concept encore plus loin avec ses 55 kilomètres de plages. La plage de Chaves, sur la côte ouest, offre un sable fin sur 10 kilomètres de long. Le vent y souffle fort (parfait pour le kite, moins pour lézarder), et les vagues de l'Atlantique martèlent le rivage. De juin à octobre, les tortues caouannes viennent pondre la nuit sur ces plages.

Les excursions depuis Boa Vista

L'intérieur de Boa Vista révèle un paysage lunaire de dunes et de désert. Les excursions en 4x4 vous emmènent au Deserto de Viana, où les dunes de sable blanc contrastent avec le bleu intense du ciel. Viana, village fantôme abandonné dans les années 1940, émerge parfois du sable quand le vent dégage les ruines.

Le conseil d'ami : pour observer les tortues marines, réservez une sortie nocturne encadrée avec une association locale plutôt qu'une excursion touristique classique. Vous contribuez à la protection des sites de ponte et les guides connaissent les bonnes pratiques pour ne pas déranger les animaux.

Santiago et São Vicente : l'âme culturelle

Ile de Santiago

Praia, la capitale sur Santiago, ne gagne pas de prix de beauté. Cette ville tentaculaire et bruyante concentre la moitié de la population du pays. Mais derrière le chaos apparent, elle pulse au rythme de l'Afrique urbaine contemporaine. Le marché de Sucupira déborde de tissus colorés, d'épices et d'artisanat. Les quartiers de Plateau conservent des bâtiments coloniaux décrépis mais photogéniques.

À 15 kilomètres au nord, Cidade Velha mérite absolument le détour. Première ville européenne fondée sous les tropiques (1462), elle conserve les ruines de sa forteresse, son pilori, et sa rue principale pavée qui descend vers la mer. Le fort Real de São Filipe, perché sur une falaise, surveillait autrefois les navires négriers. Aujourd'hui classée à l'UNESCO, la ville raconte l'histoire complexe de l'archipel, carrefour du commerce triangulaire.

Ile de São Vicente

Mindelo, sur São Vicente, incarne l'élégance cap-verdienne. Cette ville portuaire respire la musique. Dans les bars du front de mer, les groupes live enchaînent morna et coladeira jusqu'à l'aube. Cesária Évora, la diva aux pieds nus, est née ici, et son esprit flotte encore dans chaque mélodie mélancolique.

La baie de Mindelo, encerclée de montagnes pelées, prend des teintes magiques au coucher du soleil. Flânez sur l'Avenida Marginal, installez-vous en terrasse, commandez un grogue avec du citron vert. Le carnaval de février transforme la ville en explosion de couleurs et de rythmes, rivalisant avec celui de Rio dans l'imaginaire cap-verdien.

Le Cap-Vert dans l'assiette : saveurs créoles et poisson frais

Le cachupa règne en maître absolu. Ce ragoût copieux mijote pendant des heures : maïs, haricots rouges, manioc, patate douce, avec du porc ou du thon selon les îles et les budgets. Chaque famille possède sa recette, transmise de génération en génération. La version "cachupa refogada" récupère les restes du lendemain, revenus à la poêle avec des oignons et des œufs.

Sur les îles balnéaires, le poisson et les fruits de mer dominent les menus. La langouste grillée à Sal ou Boa Vista arrive souvent directement des casiers des pêcheurs. Le thon frais se décline en tataki, carpaccio ou simplement grillé avec une sauce chien pimentée. Attention, les prix grimpent vite dans les restaurants touristiques : une langouste peut coûter 25-30 euros.

Les pastéis (petits chaussons frits) se grignotent partout : au thon, au fromage local, ou sucrés à la confiture de papaye. Dans les marchés, goûtez le djagacida, un ragoût de poulet aux haricots rouges et riz, ou le xerém, bouillie de maïs qui accompagne le poisson.

Côté boissons, le grogue (rhum de canne à sucre) se boit sec ou en ponche (avec du miel et du citron vert). Le vin de Fogo surprend agréablement, surtout les blancs secs produits sur le sol volcanique. La bière locale Strela rafraîchit après une journée de plage ou de rando.

Quand partir au Cap-Vert ?

L'archipel bénéficie d'un climat agréable toute l'année, avec des températures oscillant entre 23 et 30 degrés. Mais deux saisons se distinguent nettement.

La saison sèche

La saison sèche, de novembre à juin, représente la période idéale. Le ciel reste bleu azur, les pluies se font rarissimes, et les alizés soufflent régulièrement (bonheur des kitesurfeurs, léger désagrément pour qui cherche une mer d'huile). Décembre à mars concentrent le pic touristique, avec des Européens fuyant l'hiver. Les prix des hébergements grimpent de 30 à 50% pendant cette période, et certaines plages de Sal deviennent bondées.

Avril-mai et octobre-novembre offrent le meilleur compromis : climat excellent, fréquentation modérée, tarifs plus doux. Les randonneurs privilégient novembre-décembre, quand la végétation est encore verte après les pluies d'été.

La saison des pluies

La saison des pluies, d'août à septembre, reste très relative au Cap-Vert (pays semi-aride). Les averses sont brèves mais intenses, transformant temporairement les vallées de Santo Antão en cascades spectaculaires. Les températures montent un peu (29-31 degrés), l'humidité aussi. Certains chemins de randonnée deviennent impraticables. En revanche, c'est la basse saison touristique : hôtels à moitié prix, plages désertes, authenticité maximale.

Comment aller au Cap-Vert ?

L'avion reste l'unique option réaliste depuis l'Europe. Plusieurs compagnies desservent l'archipel, principalement vers les aéroports de Sal (le plus fréquenté) et Boa Vista.

Les vols directs depuis Paris durent environ 6 heures. TAP Air Portugal propose des liaisons avec escale à Lisbonne (8-10 heures au total), souvent les plus économiques (à partir de 350-400 euros l'aller-retour en basse saison, 600-800 euros en haute saison). Certaines compagnies charters opèrent des vols directs depuis Paris, Nantes ou Toulouse pendant la haute saison, généralement liés à des packages touristiques.

La compagnie nationale TACV (rebaptisée Cabo Verde Airlines) assure des vols depuis Lisbonne et quelques capitales ouest-africaines. Les tarifs varient énormément selon la période : comptez minimum 500 euros en direct, davantage en dernière minute.

Pour rejoindre Praia (Santiago) ou São Vicente, les vols passent généralement par Lisbonne ou Dakar. Prévoyez 9 à 12 heures de trajet total. Une fois sur place, le réseau de vols inter-îles TACV connecte les principales îles, bien que les horaires changent fréquemment et les retards soient courants.

Comment se déplacer au Cap-Vert

En avion

Naviguer entre les îles nécessite patience et flexibilité. Les vols domestiques TACV relient les îles dotées d'aéroports (Sal, Boa Vista, Santiago, São Vicente, Fogo). Réservez tôt car les petits avions affichent vite complet. Un vol inter-îles coûte 60-100 euros. Gardez toujours un plan B : annulations et retards sont fréquents.

En bateau

Les ferries constituent l'alternative maritime, moins chère mais plus aléatoire. La compagnie Inter-Ilhas relie notamment São Vicente à Santo Antão (1h de traversée, 8-10 euros), Santiago à Fogo et Brava. La mer peut être agitée, et les traversées sont parfois annulées par mauvais temps ou problèmes techniques. En haute saison, arrivez au port 1h avant le départ pour être sûr d'avoir une place.

En bateau

Sur chaque île, les aluguers (minibus collectifs) représentent le transport local authentique et économique. Ils partent quand ils sont pleins, s'arrêtent à la demande, et facturent quelques euros le trajet. L'expérience est locale à 100% : musique à fond, discussions animées, arrêts impromptus. Mais les horaires sont imprévisibles et les trajets lents.

En voiture

La location de voiture offre autonomie et confort, indispensable pour explorer Santo Antão ou l'intérieur de Santiago. Comptez 30-50 euros par jour selon la catégorie. Privilégiez un 4x4 pour les pistes de montagne. La conduite demande vigilance : routes étroites et sinueuses, nids-de-poule, animaux errants. Certaines agences refusent que leurs véhicules circulent sur les pistes les plus difficiles.

Les taxis se négocient toujours avant de monter. Pour une journée d'excursion avec chauffeur, discutez ferme : 50-70 euros pour une journée complète reste raisonnable. Sur Sal et Boa Vista, les quads se louent facilement pour explorer les plages isolées (40-60 euros la journée).